Livre lu en Décembre 2015
Pourquoi j'ai choisi ce livre :
En flânant dans ma librairie, je me suis attardé sur ce livre au titre accrocheur et j'ai vu sa quatrième de couverture qui avait tout pour me séduire ? Un exercice de style et d'écriture ???
Quatrième de couverture : En Juin 2012, j'achète à un brocanteur sur Internet un lot de 250 photographies d'une famille dont je ne sais rien. Les photos m'arrivent dans une grosse enveloppe blanche quelques jours plus tard. Dans l'enveloppe, il y'a des gens à la banalité familière, bouleversante. Je décide de les inventer puis de partir a leur recherche. Dans l'enveloppe, il y'a l'épaisseur d'un roman et le mystère d'une enquête.
Mon avis :
Je commencerai cet avis par deux citations issues du livre de PEF - Petit éloge de la lecture...
(...)Les cartes postales anciennes sont destinées aux boites à belles lettres.
J’aime ces éditions de poche qui possèdent elles aussi une couverture illustrée et au verso, un mini récit payant, manuscrit, dédicacé et expédié vers une petite bibliothèque éphémère. (...)(..)A leur lecture, s’ajoute le théâtre que ces voix couchées adressent à des inconnus de moi dans une mutuelle ignorance les unes des autres. Sans souci d’unité de lieu, d’action ou de temps, passées a la postérité, elles dorment dans une boite a chaussures dont le couvercle se soulève comme un rideau de carton.(...)
Plus loin :
(…) Je pourrais rebattre ce jeu de cartes, imaginer des liaisons entre les personnages (…)
Puisque toute lecture peut mener à la création, pourquoi ne pas jouer avec les morceaux choisis du hasard ? Ils sont un puzzle à reconstruire.(...)
PEF - Petit éloge de la lecture - Folio
Bon sang mais c'est bien sur... voila une très belle entrée en matière pour parler de ces "gens dans l'enveloppe". Il suffit de remplacer "cartes postales" par "photos" Vous allez comprendre ! Non seulement le texte ci-dessus parle a chacun de nous mais ... regardez la contrainte pointer le bout de son nez (Et quand on parle de contraintes littéraires, ça me titille...) puisqu'Isabelle MONNIN sans le savoir va exploiter en quelque sorte le filon expliqué plus haut !
Le livre :
Ce livre est composée de trois parties : Une partie roman, une partie album et une partie enquête.
1 - L'auteure reçoit les photos, observe les personnages, imagine qu'ils ont un lien et on étudie le lien plausible entre eux. On romance leur vie, c'est un "jeu littéraire" en quelque sorte, et si des modifications interviennent on ne retouche plus (comme indiqué plus tard dans l’enquête... a la trame du roman)
2 - Puis elle se met en quête de retrouver trace de la famille propriétaire des photos dans un second temps. Dans la partie roman Je me suis vraiment attaché au personnage poétique et et sensible de Laurence, attristée par le départ de sa mère et j'ai beaucoup d'empathie pour elle. Son histoire est pleine de tendresse, d'affection et de poésie !
Chez Simone (mamie poulet !) c'est une véritable réflexion sur la mort qui se dégage. Mélange de poésie et d'introspection... mamie poulet est une dame particulièrement agée, il semble (?) qu'elle n'ait plus sa tête... elle brûle les lettres de sa petite fille sans tenter d'y répondre, plongée dans ses souvenirs, attendant sa propre mort... Est elle simplement cardiaque ou sénile ("elle ne sait plus qui est mort, qui est vivant, ce sont ses enfants")
L'album photos (les photos reçues et triées, gardées, sont insérées en milieu de livre et dans l'enquête, chaque photo est reprise en détail... histoire de mettre un premier "prénom" sur les visages et histoire aussi de faire un éventuel lien entre ces personnages.
Ensuite c'est la partie enquête qui commence : Et la ou est toute l'originalité a mon sens du livre, c'est que non seulement l'auteure va romancer et inventer une vie via ces photos a leur protagonistes, mais également se mettre en quête de les retrouver afin de les confronter a leur vie "romancée" On apprend beaucoup d'éléments sur la genèse de l'idée, quelques éléments de réflexion et de construction mais également on va "vivre" la rencontre avec un membre de la famille (celui que l'on voit le moins dans la partie romancée) les confidences, les moments nostalgiques et le ressenti de chacun. les éléments du roman se rapprochent-ils de la vérité ? Isabelle MONNIN retranscrit avec beaucoup de justesse, de sincérité et de sensibilité. Au fur et a mesure de l'écriture, elle va elle aussi se souvenir de sa propre enfance non loin de la, s'identifier a ce qu'elle va entendre de cette famille au point de se dire intérieurement : "Je ne sais pas, Laurence, te dire que chercher ta propre famille c'est trouver la mienne.", établir une vraie complicité. et, intérieurement, faire des parallèles entre l'enquete et la partie romancée.
"On pourrait dire que se raconte une vie, ordinaire et extraordinaire comme toutes les vies"
C'est également une réflexion sur "l'appropriation" de photos qui ne nous appartiennent pas." Il se trouve que l'auteure trouve des similitudes entre ce qu'elle avait imaginé et la réalité. (tour de force ou joli cadeau de la vie ?). Elle va les proteger et faire de cette expérience une expérience unique en son genre.
"Les gens sont des histoires, tu les inventes, ils vivent plus que vrais (...) Les gens sont mainteant des chansons, tu les écoutes et si tu pleures un peu, tu as raison."
Extraits et citations :
J'aurai huit ans demain et maman n'est pas la. Il y'a quarante-quatre jours qu'elle est partie. Disons plutôt qu'il y'a quarante quatre jours qu'elle n'est pas rentrée. On s'est levé un matin, un mardi, elle n'était pas la. On est rentré le soir elle n'était pas la. A l'usine non plus on ne l'a pas vue, a dit papa au téléphone, il la cherchait partout. Le soir nous n'avons mangé qu'un chocolat chaud, mes tartines comme des éponges et des iles de beurre sur le lait brûlant. Papa regardait droit derrière moi, invisible je t'ai dit.
Le lundi suivant, nous avons reçu une carte postale de Paris, disant "Je pars en Argentine".
Je ne pouvais pas faire autrement, il ne faut pas m'en vouloir, je donnerai des nouvelles dès que possible. Peut être sera t-elle ma surprise d'anniversaire. Je n'ai rien commandé d'autre.
Dans la foret, j'enterre des phrases.
Je collectionne tout, le bruit des bourrasque, l'écorce, la pierre brulante de l'été et le gel brillant de l'hiver, les picots des cailloux sur le chemin, le roulis du vent dans l'herbe baute, l'odeur de la suie avant le tonnerre. Ma chambre sent l'humus, branchages conservés sous mon lit; les feuilles sèchent puis tombent, ça craque un peu, c'est comme si c'était chez nous. J'imagine des écureuils et des biches, des bosquets ou j'habite avec Pacotille et minette. J'aimerais vivre dans les bois, être la protégée des arbres et des rochers, avoir plusieurs terriers sous la mousse où dormir, si les rivières débordent, je grimperai jusqu'aux cimes.
J'ai appris un nouveau mot : Comme enfance, silence, souffrance, absence, distance, il rime avec Laurence : Carence
Nos peaux sont des enveloppes qui entourent ce que nous sommes vraiment et qu'on ne verra jamais.
Dire je t'aime c'est se souvenir d'un temps ou je ne t'aimais pas, c'est envisager celui ou je ne t'aimerai plus. Dire je t'aime serait donner une fin a l'amour.
A la vieillesse, la mort est différente.
"Au début , ce n'est pas un livre , ni deux, ni rien. Au début, c'est juste une grande enveloppe blanche qui arrive par le courrier. Voila, c'est juste une enveloppe."
(...) les idées sont comme les enfants dès les premières heures de leur existence: impossible d'envisager la vie sans elles.
"De temps a autre je plonge ma main dans l'enveloppe , c'est comme un jeu, pour en sortir une image au hasard. Elles sentent un peu le moisi, mon tiroir s'imprègne de l'odeur, je me demande quel voyage elles ont fait pour se retrouver chez moi qui ai si peu de photos de ma propre famille. Pourquoi me les à-t-on abandonnées ?"
Je me demande s’il existe d’autres objets que l’on peut ainsi acheter sans en devenir propriétaire.
A qui sont les photos de mon enveloppe ?
A celui qui les a prises, a ceux qui y figurent dessus, a moi qui les ai achetées ?
L’achat fait de moi la propriétaire de l’objet photo mais quels droits ai-je sur les gens qui y figurent ? Puis-je disposer de leur image ? Les dix euros a peine que m’aura coutés cet achat (mais aurait-il valu dix millions que ça ne changerait rien) me rendent-ils propriétaire de ces visages, des scènes de famille et de leurs décors ?
Celui qui détient les photos possède ces instants qu’on a voulu figer et puis dont on s’est séparé.
Je suis dépositaire de souvenirs qui ne m’appartiennent pas.
J'aime que les photos soient floues et mal cadrées. Leur fragilité est leur beauté. Ainsi est attestée leur intimité. On ne les a montrées qu'a très peu de gens, ces photos ratées, ni envoyées a la famille ou encadrées sur le buffet. En les ratant, le photographe s'immisce dans les photographies, c'est son mouvement que je vois dans le flou, son impatience dans le contre-jour, son trouble dans un cadre mal ajusté ; il dit "Interesse-toi ) moi, ne m'oublie pas, je suis là".
Je crois que toute vie vaut la peine d'etre racontée, chaque vie est un témoignage de toutes les autres.
Chaque livre a son règlement intérieur. L'auteur n'a qu'un choix : se soumettre ou pas a la loi du texte, l'écrire ou y renoncer. Les Gens dans l'enveloppe n'échappe pas a ce principe.
Où vont les secrets quand il n'y a plus personne à qui les cacher ?
Ne pas avoir eu d'enfance est un trou qu'on ne remplira jamais.
On racontera une époque, une terre, un petit monde. On racontera la vie des gens dont on ne parle jamais . Elle vaut autant que celles dont on parle - autant et aussi peu.
Note du rédacteur : Je laisse toutes les citations... j'ai pas envie de les enlever ! Pardon pour la longueur (inhabituelle) de cet article. C'est bizarre je me rends compte qu'avec les quelques phrases puisées dans le bouquin, j'en aurai fait la chronique. Il y'a tant a dire !
Vous n'etes pas convaincus par ce bouquin ?
Je voulais attirer votre attention sur un autre élément parce que je crois ne pas en avoir parlé :
Je n'ai pas parlé du travail d'Alex BEAUPAIN qui a composé 12 chansons a partir d'éléments issus du roman et de l'enquête.
Les chansons sont interprétées dans un style plutot pop variété Francaise par quelques uns des gens dans l'enveloppe avec la participation de Camélia JORDANA, clotilde HESME et Francoise FABIAN. Il y'a également deux reprises qui ont été choisies par "les gens". Et je trouve la pochette magnifique. Tout autant que les chansons aux saveurs actuelles.
Vous n'etes toujours pas convaincus ???
Ecoutez ce qu'en a dit Bernard LEHUT sur RTL :
http://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/les-gens-dans-l-enveloppe-l-ouvrage-etonnant-d-isabelle-monnin-7779748641
Ce roman a l'air très original.
RépondreSupprimeret il l'est sur beaucoup de points... la partie enquete est très fouillée !!!
SupprimerCe roman me dit beaucoup beaucoup !!! :-)
RépondreSupprimerHélas, je ne m'en sépare pas pour le moment.
SupprimerIl est très interessant éffectivement !
Tu es très enthousiaste à propos de ce livre :) je n'ai vraiment pas accroché :(
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est particulier !
SupprimerC'est surtout l'idée qui est interessante... apres l'angle de développement peut ne pas etre compris et / ou apprécié par tout le monde
Bonne journée